Absinthes DistAB
À : Couvet, Val-de-Travers
Il s’appelait Pierre-André Stauffer mais ici, tout le monde l’appelait « Pierrot ».
Décédé en 2020, il comptait parmi les anciens clandestins mythiques de la vallée, lui qui, durant des années, a livré toute la vallée en médicaments pour la pharmacie du village de Couvet avant de conduire les ambulances. Officiellement. Car officieusement, le Pierrot cuisait sa bleue clandestine.
« En travaillant à la pharmacie, je préparais et je livrais les plantes aux distillateurs clandestins. Et puis un jour, je me suis dit qu’il n’y avait pas de raisons qu’ils soient les seuls à se faire de l’argent. Alors je m’y suis mis ».
Sa bleue plaît. Elle est même servie dans les bistrots de la région. En cachette bien sûr, à l’abri de verres Ovomaltine pour dissimuler le breuvage trouble. « Il y avait un bistrot où les habitués se faisaient servir de l’absinthe autour d’une table ronde. Moi, je savais bien que c’était ma bleue parce qu’un copain la livrait. Mais le patron, il ne le savait pas. Et comme il ne me connaissait pas, il n’a jamais voulu me la servir », rit le distillateur.
À la légalisation de l’absinthe, c’est dans l’arrière-salle de la pharmacie où il a travaillé durant 47 ans qu’il installe sa distillerie. Avec un regret tout de même : « Moi, je l’aimais bien, la clandestinité. J’ai toujours préféré l’interdit. ». Même légale, sa 55° en préserve le goût authentique.