Au tournant du siècle, l’absinthe fait recette… et polémique. On estime alors que 90% des apéritifs bus en France sont de l’absinthe. Vignerons et Croix Bleue (!) se liguent contre la Fée pour obtenir son interdiction. Une sordide affaire, dans le canton de Vaud, va précipiter sa pénalisation. Un homme, ivre d’absinthe, tue femme et enfants. Trois ans plus tard, le peuple suisse est appelé aux urnes : pour ou contre la « fabrication, l’importation, le transport, la vente et la détention pour la vente de la liqueur dite absinthe dans toute l’étendue de la Confédération » ?
À Genève, alors importante région productrice d’absinthe, l’hebdomadaire satyrique Le Guguss mène la fronde contre l’interdiction, stigmatisant les « mômiers », les « Confédérés schnocks » et autre « bondieusards » opposés à la Fée verte. Opération vaine. Le 5 juillet 1908, le peuple suisse dit « oui » à la pénalisation, à 63,5%.
Le numéro du 15 octobre 1910 du Guguss publie alors ce dessin d’Albert Gantner, « La Fin de la Fée verte ». « Messieurs, c’est l’heure » clame l’affiche, mettant un scène un personnage aux habits de la Croix bleue, une Sainte Bible dans un main, indiquant de l’autre l’heure fatidique de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi : le 7 octobre 1910 à minuit. À ses pieds, la Fée verte gît, un poignard dans le cœur aux effigies de la Croix Bleue, entourée de couronnes mortuaires aux noms de Genève et Neuchâtel, les deux seuls cantons suisses à avoir refusé la pénalisation. On y lit « Au nom de la liberté individuelle » alors qu’en arrière-plan s’opposent la scène de la constitution d’une Suisse vigoureuse en 1291 et l’image d’une Suisse fatiguée et dépitée en 1910.
L’affiche de Gantner connaît un succès immédiat. « De tous côtés, il nous a été demandé si nous ne mettrions pas en vente (…) le dessin ci-contre », ce que le Guguss fait la semaine suivante, lançant une souscription au prix de fr. 1,90.
Retrouvez la superbe affiche du Guguss telle qu’elle fut publiée en 1910 dans une version restaurée qui respecte les couleurs du dessin original, au format 50 x 70 cm.
Le saviez-vous ?
La revue satirique genevoise Guguss’ est d’abord une revue théâtrale (1878-1879) avant d’être reprise par l’imprimeur Louis Bron en 1894. Devenu un hebdomadaire caustique populaire, vendu 10 centimes, il chahute bien volontiers politiques, militaires, bondieusards, schnocks, Vaudois, …
Dès les premières campagnes menées pour l’interdiction de l’absinthe, le Guguss prend la défense de la Fée, dénonçant les manœuvres des abstinents et des bigots. Lorsque la pénalisation entre en vigueur, le fameux dessin de Gantner est d’abord publié en petit format (15 x 25 cm) et en noir et blanc. C’est sur la pression des lecteurs, qui rêvent d’en obtenir un exemplaire, qu’il est finalement édité en affiche, mise en souscription au prix de fr. 1.90.
Après s’être moqué du Kaiser, le Guguss est interdit de parution en 1914. Il re-paraîtra en 1917 sous le nom de « Petit suisse »… jusqu’à sa disparation définitive en 1936.
Une interdiction toute relative…
Si la production d’absinthe cesse partout en Suisse suite à sa pénalisation, mais également en France dès 1915, une région résiste. Au Val-de-Travers, sur les hauteurs du canton de Neuchâtel, la distillation de la Fée ne cessera jamais. On y comptera plus de 300 clandestins qui « cuiront » 35’000 litres d’absinthe de contrebande chaque année. Eux, et eux seuls, préserveront un savoir-faire ancestral qui perdure aujourd’hui, transmis de génération en génération. Un héritage unique, rare et précieux à retrouver en exclusivité sur AbsintheMarket, la plateforme qui propose le plus grand nombre d’absinthes produites par de véritables anciens clandestins du Val-de-Travers ayant connu la prohibition.
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